Léo avait obéi sans poser de question

   Léo avait obéi sans poser de question. Du moins à voix haute. Car en lui, ce n'était pas très clair. Il ne regrettait pas sa démission, son changement de statut, tous des pourris à l'Ace de toute façon, les nouveaux moyens qu'on leur avait accordés chez le maire. Non tout ça, très bien. Le trouble à deux  niveaux bien différents qui en se mélangeant le destabilisait.

    Tout d'abord il y avait ses sentiments pour Kinegan, pendant ses deux dernières années, il avait passé son temps à se le cacher, mais pour quelqu'un dont le travail consistait à faire rejaillir les secrets enfouis, il ne pouvait se voiler la face plus longtemps. Juste qu'il devait garder ça pour lui. Parfois au-dessus de ses limites de ne rien montrer.

   Et ensuite, toute cette montée de violence, cette agitation des gangs ? Que se passait-il ? Il se sentait coupable d'écouter ses sentiments au moment où des milliers d'innocents souffraient de l'abus de pouvoir de bandits. En guerre on ne pense pas à l'amour.

    Il  sort une cigarette, et regarde par le pare-brise de sa vieille voiture. Même pas de rétro-propulsion, une espèce d'antiquité mais sans la valeur. Se concentrer sur l'affaire.

   Kinegan lui demande de filer un homme avec un pardessus beige. La première fois qu'elle a vu cet homme, il était là aussi. C'était sur les lieux d'un évènement bien étrange. Un homme qui s'était immolé par le feu après  avoir volé des documents d'une importance capitale, un vol d'ailleurs complètement surnaturel, le seul échec de Kinegan dans toute sa carrière. Il fallait croire que la réussite de cet homme ne l'avait pas contentée. Dire que beaucoup d'autres auraient accepté de tuer pour rendre folle l'ex-officier Kinegan. Il fallait l'avoir vu lorsqu'on avait ouvert la valise. L'état de rage dans lequel elle s'était mise....

Un sourire passe sur le visage de Léo.

   Sur les lieux du crime, l'homme au pardessus, il ne se comportait pas comme un flic d'ici. Lui aussi il l'avait remarqué. Il sortait du lot. Va savoir pourquoi. Son instinct plus celui de Kinegan. Sûr que quelque chose se tramait. Une grosse affaire. Un homme ne se suicide pas en se mettant le feu. Et puis la curieuse inscription sur le miroir.

   Alors revoir l'autre pardessus-isé sur les lieux du crime de Heavymotion...

   Et la rencontre d'hier comme dernière preuve : quelque chose de grave se trame dans la Cité Etat.